FAQ sur l'action collective

  • Il est question de dommage collectif lorsque les droits et les biens juridiquement protégés d’un grand nombre de personnes sont touchés de façon identique ou similaire par un événement dommageable, par un comportement illicite ou de façon plus générale par une même cause, si les différents lésés ont subi un dommage matériel ou patrimonial important.
  • Il est question de dommages dispersés lorsqu’un grand nombre de personnes sont lésées, mais que les dommages sont de faible valeur.


Par ailleurs, on parle d’
apathie rationnelle lorsque la personne touchée renonce à faire valoir ses droits en justice car l’investissement nécessaire est plus grand que le gain maximal espéré à l’issue de la procédure.

Les organisations à but non lucratif disposent souvent de peu de ressources. Or les frais découlant d’une procédure ne doivent pas constituer un obstacle financier pour exercer un droit.

Dans le cas des dommages collectifs, une participation modeste pourrait être demandée aux personnes pour financer l’action. Des organismes financiers pourraient également être intéressés à prendre en charge les frais en échange d’un pourcentage sur le gain.

La chose se complique dans le cas des dommages dispersés. La valeur litigieuse totale est significative pour fonder des prétentions et engendre des frais de justice important. Elle est toutefois trop basse pour qu’une participation soit demandée pour financer l’action sans risquer de décourager les personnes concernées d’y participer. À titre d’exemple, à la suite de l’annulation en 2010 du concert de Prince, 5000 billets à 150 fr. n’avaient pas été remboursés, pour un total de 750000 fr. Dans ce type de cas, une solution législative doit être apportée

Dans son avant-projet, le Conseil fédéral proposait d’exempter d’avance de frais les litiges dont la valeur litigieuse atteignait 500000 fr. Cette proposition n’a pas été reprise dans le projet. Une disposition de ce type est pourtant essentielle pour que les frais de procédure ne constituent pas un obstacle face aux dommages dispersés.

Cette proposition repose le plus souvent sur l’allègement de l’avance de frais à faire au tribunal pour introduire son action. Toutefois, les frais de justice ne constituent qu’un seul des nombreux remparts à la justice. Il faut également prendre à sa charge les frais d’avocats, ainsi que les éventuels frais d’expertise en plus de devoir, éventuellement, payer des dépens (sommes dues à la partie adverse) si seule une partie de la demande est admise en justice. 

Tout ceci suffit à décourage une personne seule à faire valoir ses droits, estimant que «le jeu n’en vaut pas la chandelle». C’est ce que le Conseil fédéral appelle l’apathie rationnelle. Au-delà de la question des frais, la plupart des individus ne dispose pas non plus des ressources personnelles suffisantes pour entamer un bras de fer avec une grande entreprise et se décourage.

Or lorsqu’un dommage touche des dizaines voire des centaines de personnes de la même manière, rien ne justifie de les laisser seules et découragées dans leur coin. Dans ces cas, «faciliter» l’accès à la justice ne suffit pas. Il convient de «réaliser» l’accès à la justice en accompagnant ces personnes pour que le droit soit respecté.

Enfin, «faciliter» l’accès à la justice à un individu ne règlera pas la question de la surcharge des tribunaux si des centaines de personnes devaient saisir individuellement la justice. Il faut cesser les bricolages et apporter une vraie solution à ces cas, à savoir donner la possibilité aux personnes de se grouper.

Non. Le Conseil fédéral propose de créer une action collective 100% helvétique. Par ailleurs, l’action collective n’est pas une spécialité d’un seul pays. Outre la fameuse class action américaine, beaucoup de pays en Europe ont adopté leur propre modèle d’action; et en 2023, toute l’Union européenne disposera d’un tel mécanisme.

La peur des excès du système américain est infondée. Aux États-Unis, les class actions comportent de fortes incitations économiques à porter une affaire devant les tribunaux. Ces incitations sont le résultat d’une combinaison de plusieurs facteurs propre à leur système juridique et que l’on ne retrouve pas en Suisse:

  • En Suisse, l’indemnisation se limite au dommage effectif (remettre dans la situation antérieure – interdiction de rendre plus riche) et ne comprend pas de dommages punitifs comme aux États-Unis. Ainsi, une personne lésée de 200 fr ne récupèrera que 200 fr.
  • Le principe loser pays, selon lequel la partie qui perd le procès rembourse à l’autre partie les frais engagés pour sa défense, dissuade les poursuites abusives en Suisse, tandis qu’aux États-Unis ce principe n’est pas appliqué.
  • Les actions ne pourront être portées que par des organisations à but non lucratif qui n’agiront que pour obtenir le dédommagement des participants mais par pour elles-mêmes. Il n’y aura donc pas de risque que des cabinets d’avocats démarchent les clients pour les inciter à intenter une action. Par ailleurs, en Suisse il est interdit à un avocat de faire dépendre ses honoraires de la réussite ou non de l’affaire, contrairement aux États-Unis.


Enfin, ne perdons pas de vue que le système proposé par le Conseil fédéral est un système très libéral où le demandeur (celui qui introduit l’action) prend ses risques. Or une organisation à but non lucratif n’a pas le luxe de prendre des risques inconsidérés.

Si l’action collective est très attendue par les organisations pour pouvoir enfin défendre efficacement les intérêts qu’elles représentent, elle constitue néanmoins aussi une charge importante. Le projet du Conseil fédéral prévoit des aménagements procéduraux mais rien de significatif n’est fait pour les frais, qui resteront importants. Une organisation supportera donc, comme n’importe quelle partie, les frais de justice, d’expertise, d’avocat ainsi que les risques inhérents à un procès et à la gestion et à la coordination de la procédure. De fait, certaines organisations n’auront pas les reins assez solides ou suffisamment de moyens pour recourir au juge.

L’idée d’une action collective portée par des organisations à but non lucratif est inspiré de la recommandation de 2013 de la Commission européenne ainsi que la Directive qui a suivi. Cette mesure permet d’éviter les mauvaises incitations et le risque de procès introduits de manière téméraire.

Ces organisations ne pourront par ailleurs pas obtenir une indemnisation pour elles-mêmes. Elles ne seront donc pas motivées par un gain pécunier mais introduiront les éventuelles actions dans un but purement idéal. De plus, comme les organisations à but non lucratif disposent le plus souvent de ressources limitées, seules les affaires d’envergure et ayant de réelles chances de succès seront introduites.

Les conditions d’octroi de l’assistance judiciaire (AJ) sont très strictes. Il faut être particulièrement indigent pour pouvoir y recourir. L’AJ est en effet réservée aux personnes qui n’ont pas du tout de moyens et ce n’est qu’une aide temporaire, la personne doit ensuite rembourser les frais à l’Etat.

De manière générale, le fait de devoir dépenser, à titre individuel, par exemple 4000 frs pour espérer en récupérer 1000 fr suffit à décourager les personnes concernées à faire valoir leurs droits.

La sécurité juridique n’est pas mise en danger, au contraire.  L’action collective permettra une mise en œuvre du droit plus efficace et effective que les actions individuelles en cas de dommages de masse. Elle permettra de garantir l’application uniforme du droit par un juge contrairement à des décisions prises individuellement par plusieurs juges différents sur des états de faits similaires.

Par ailleurs, les tribunaux qui ont participé à la consultation se sont exprimés en faveur de l’action collective. La conduite d’une procédure collective entraînera moins de frais pour la justice qu’une constellation de procédures similaires. Ce système est également accompagné dans le projet d’une transaction de groupe qui doit permettre de trouver une voie en conciliation. Cette mesure allègera d’autant les tribunaux.

Ce scénario «apocalyptique» décrit par les milieux économiques n’est pas réaliste et n’est fondé sur aucun chiffre. La comparaison avec la situation avérée dans plusieurs pays européens ayant la même tradition juridique que la Suisse dément cette affirmation. Plusieurs de nos pays voisins ont instauré des instruments poussés d’exercice collectif des droits depuis de nombreuses années pour remédier aux défauts de protection juridique et ces instruments ont fait leurs preuves sans déclencher le cataclysme prédit.

Par ailleurs, l’introduction d’une action collective n’engendrera pas une hausse des coûts pour les entreprises qu’il faudra répercuter sur les consommateurs. Cette affirmation par les milieux économiques ressemble d’ailleurs plus à une menace. Selon le projet actuel, les actions civiles seraient déposées par des organisations agissant dans l’intérêt de leurs membres et ne poursuivant pas un gain économique, contrairement à des cabinets d’avocats. Ces organisations n’auraient aucun intérêt à investir inutilement des ressources dans des litiges téméraires ou chicaniers qui seraient ensuite balayés par des tribunaux. 

Au contraire, l’introduction de l’action collective aura un effet positif sur l’économie. Elle permettra de favoriser les entreprises honnêtes et d’encourager l’innovation. Actuellement, l’absence d’action collective a pour conséquence qu’il est plus rentable pour certaines entreprises de se comporter de manière illicite.

Une personne atteinte dans ses droits ne doit pas «passer le montant incriminé par pertes et profits», contrairement à ce que soutient economiesuisse. Personne ne doit renoncer à faire valoir ses droits pour des questions de ressources personnelles et financière. L’accès à la justice doit être le même pour tous, y compris pour la majorité des individus qui n’ont pas les ressources pour se lancer seuls dans une action à l’encontre d’une grande entreprise disposant, elle, de plus de moyens.