Action collective: projet de loi et chronologie politique

Il n’est pas question d’introduire en Suisse un modèle de droit étranger et le risque de voir une class action américaine, comme le soulèvent certains, est une chimère. Le Conseil fédéral s’en distancie d’ailleurs clairement dans son rapport.

Il propose une action collective portée par les organisations à but non lucratif qui rempliront les conditions prévues par la loi.

Chronologie politique

Le projet du Conseil fédéral

  • 4.2024

    La Commission des affaires juridiques du Conseil national renvoie à nouveau sa décision d’entrée en matière sur le projet de loi.

  • 7.2023

    La Commission des affaires juridiques du Conseil National reporte sa décision d'entrée en matière sur le projet de loi en demandant un énième rapport.

  • 05.2022

    La Commission des affaires juridiques du Conseil national se penche sur le projet de loi. Plusieurs rapports sont demandés et attendus pour juin 2023.

  • 03.2022

    Le projet de révision du code de procédure civil relatif à l’action collective (objet 21.082) est attribué à la Commission des affaires juridiques du Conseil national.

  • 12.2021

    Le Conseil fédéral adopte le projet et le message relatif à l’action collective (intitulé Action des organisations et transaction collective).

  • 02.2020

    Le Conseil fédéral décide de séparer la question de l’action collective de son projet de modification du Code de procédure civile.

  • 06.2014

    La motion 13.3931  «Exercice collectif des droits. Promotion et développement des instruments» est adoptée par le Parlement et donne mandat au Conseil fédéral d’élaborer un projet de loi pour améliorer l’exercice collectif des droits (action collective) en Suisse.

  • 07.2013

    Le Conseil fédéral publie un rapport «Exercice collectif des droits en Suisse: état des lieux et perspectives» dans lequel il conclut que les outils procéduraux existants ne sont pas adaptés à des dommages de masse et reconnait le besoin d’introduire en Suisse une action collective.

Le projet du Conseil fédéral est celui qui a été publié en décembre 2021. Il sera débattu au sein des commissions parlementaires en charge du dossier ainsi que devant les chambres et modifié au fil du débat. Inscrivez-vous pour suivre le développement.

Un projet équilibré en quelques points:

  • Le droit d’action des organisations sera réservé aux seules organisations à but non lucratif.
  • Ces organisations pourront agir contre toute violation du droit et feront valoir en leur propre nom et à leurs propres risques, les prétentions pécuniaires des personnes concernées qui auront adhéré à la procédure (système opt in).
    Nota bene: A l’heure actuelle, le droit d’action des organisations est très limité. Il est conscrit aux atteintes à la protection de la personnalité de ses membres et à quelques violations de la Loi contre la concurrence déloyale. De plus, les organisations ne peuvent que demander la cessation, l’interdiction ou la constatation de l’atteinte mais pas le dédommagement des personnes lésées.
  • Pour agir, au moins 10 personnes devront être touchées par des faits ou des fondements juridiques similaires.
  • L’organisation soumettra alors une demande d’admission préalable au juge lors de laquelle ce dernier examine si les conditions pour agir sont réunies. Cette demande interrompt la prescription.
  • Une fois la demande admise, elle est inscrite dans un registre accessible au public et toutes les personnes lésées ont au minimum trois mois pour décider de rejoindre l’action. La procédure est ensuite menée selon les règles du Code de procédure civile.
  • La décision sur l’action lie les parties et les personnes qui se sont jointes à l’action.


En cas d’accord entre les parties, le juge homologue la transaction collective mettant fin à l’amiable au litige.
La transaction peut, dans le cas des dommages dispersés (de valeur modérée atteignant, cumulés, une somme non négligeable), s’étendre aux personnes qui ne s’y étaient pas jointes si l’entreprise le souhaite, afin de permettre la résolution une bonne fois pour toute du différend (système opt out).

Le défi du financement

Pour l’action collective, des fonds conséquents devront être investis par les associations de défense des consommateurs pour les avances de frais judiciaires et les frais d’avocats. Les ressources et moyens limités les conduiront immanquablement à faire des choix en sélectionnant et priorisant les dossiers présentant les plus grandes chances de succès. Il faudra veiller à ne pas empêcher des possibilités de financement vu les moyens très limités des associations suisses de défense des consommateurs. Le droit d’action collective ne doit pas se transformer en coquille vide.

Les frais de justice

La question des frais de justice devra être abordée pendant les travaux parlementaires pour éviter que l’action collective ne puisse pas être utilisée.

Les organisations à but non lucratif, habilitées à agir selon le projet, disposent souvent de peu de ressources. Or les frais découlant d’une procédure ne doivent pas constituer un obstacle financier pour exercer un droit.

Dans le cas des dommages dispersés en particulier (de valeur modérée atteignant, cumulés, une somme non négligeable), la valeur litigieuse totale est significative pour fonder des prétentions et engendre de ce fait des frais de justice important. Elle est toutefois trop basse pour qu’une participation financière soit demandée pour financer l’action sans risquer de décourager les personnes concernées d’y participer. A titre d’exemple, à la suite de l’annulation en 2010 du concert de Prince, 5000 billets à 150 fr n’avaient pas été remboursés, pour un total de 750000 fr.)

Dans son avant-projet, le projet du Conseil fédéral proposait d’exempter d’avance de frais les litiges dont la valeur litigieuse atteignait 500000 fr. Cette proposition n’a pas été reprise dans le projet. Une disposition de ce type est pourtant essentielle pour que les frais de procédure ne constituent pas un obstacle dans le cas des dommages dispersés (voir définition dans la FAQ)